lundi 18 février 2008

Rien d'impossible...


Dans la Chine antique, il y avait une fable intitulée «Comment Yukong déplaça les montagnes». On y raconte qu’il était une fois, un vieillard appelé Yukong. Sa maison donnait, au sud, sur deux grandes montagnes, le Taihang et le Wangwou, qui en barraient les abords. Yukong décida d’enlever, avec l’aide de ses fils, ces deux montagnes, à coups de pioche. Un autre vieillard, nommé Tcheseou, les voyant à l’œuvre, éclata de rire et leur dit: «Quelle sottise faites-vous là! Vous n’arriverez jamais, à vous seuls, à enlever ces deux montagnes!» Yukong lui répondit: «Quand je mourrai, il y aura mes fils; quand ils mourront à leur tour, il y aura les petits-enfants, ainsi les générations se succéderont sans fin. Si hautes que soient ces montagnes, elles ne pourront plus grandir, à chaque coup de pioche, elles diminueront d’autant; pourquoi donc ne parviendrions-nous pas à les aplanir?» Après avoir ainsi réfuté les vues erronées de Tcheseou, Yukong, inébranlable, continua de piocher, jour après jour. Le Ciel en fut ému et envoya sur terre deux génies célestes, qui emportèrent ces montagnes sur leur dos.

« Comment Yukong déplace les montages » fut aussi le titre du dodécalogue de Joris Ivens, grand maître du cinéma documentaire. A l'invitation de Zhou En-laï, il consacra un an et demi au tournage et autant au montage de ce film, de plus de onze heures au total qui sorti en mars 76. Dans cette vaste fresque en douze tableaux de la Chine après la révolution culturelle, ils filmérent au quotidien, avec une ardente générosité du regard, les employés d'une pharmacie, des acteurs de l'opéra de Pékin, un village de pêcheurs, un professeur victime des gardes rouges ou la naissance d'un dazibao (journal mural en grands caractères). Le titre évoque cette fable, réactivée par Mao pour faire comprendre son message fondamental: «Notre ciel à nous n'est autre que la masse du peuple chinois.» Quitte à forcer le cours de l'histoire, le peuple peut transformer le monde. Ce titre et ce film illustrent admirablement le riche fond d'utopie qui a guidé toute la démarche de Joris Ivens.

Comme Candide, des milliers d’entre nous furent enthousiasmés par cette vision partisane de tout ce qui se faisait alors en Chine.

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