vendredi 29 février 2008

"Tête de gondole"


Candide est revenu de sa campagne. Pour retrouver sa compagne. Et sa campagne urbaine. Celle-ci bat son plein évidemment. Dans sa campagne, l’autre, la rurale, celle évoquée le 29 décembre dernier, c’est plutôt le grand bleu. Le vide abyssal. La situation y est on ne peut plus clame : une seule liste. Et pas encore bouclée ! Pas de tête de liste pour l’instant, non plus. La mairie n’attire guère les vocations. Pas d’affiche, pas de tract. L’unique documentation qui parvient aux électeurs est le bulletin de vote et la profession de foi officielle. Et pour un seul bureau de vote, avec un seul panneau électoral à l’entrée, nul doute qu’aucune affiche ne sera imprimée. La profession de foi, scotchée là, en fera office. Ce qui est amusant, lui dit sa camarade de terroir, c’est qu’à la campagne toutes les photos de campagne ne nous montrent que des candidats en habit de ville…
Candide fait le point en lisant tous les échanges de mails. Il s’inquiète des stakhanovistes. « Travailler plus pour gagner de plus » a dit Duracel. Et c’est ce que font tous ses fiers militants de circonstance. « Afficher, tracter, rencontrer plus, pour gagner encore plus de voix ». Ils ont raison. Mais en faut-il du courage et de l’abnégation pour se battre contre une défaite probable. Candide ne voit que trop bien se profiler l’inéluctable panurgie des électeurs cédant au conformisme partisan.

« De toute façon les gens ne réfléchissent plus, il se laisse tenter par les seules têtes de gondole. Et le PES est en tête de gondole. Et Francine à une tête de gondole » se console en riant Candide.

jeudi 28 février 2008

Onze


Les panneaux ont été attribués. Tirage au sort. Martial a récupéré le 11. Beau chiffre le 11, c’est justement la place de Candide sur sa liste. Bonne ou mauvaise augure ? Quant à Francine, elle est mitoyenne de Dieudonné. « Hasard ! On vous l’avait bien dit qu’il y avait du rapprochement dans l’air » se joue Candide..

Onze. Nombre sacré dans l’ésotérisme africain, l’une des clés principales de l’occultisme noir. Lié aux mystères de la fécondité, il oriente vers l’idée de renouveau des cycles vitaux et de communication des forces vitales. L’enfant qui vient au monde reçoit les onze forces divines par les onze ouvertures de la mère. Mais pour Saint Augustin, le nombre onze était l’armoirie du péché. D’une façon générale, ce nombre serait celui de l’initiative individuelle, mais s’exerçant sans rapports avec l’harmonie cosmique, par conséquent d’un caractère plutôt défavorable. Ce caractère est confirmé par le procédé de l’addition théosophique qui en faisant le total des deux chiffres composants, donne pour résultat 2, c’est à dire le nombre néfaste de la lutte et de l’opposition. Onze serait alors le symbole de la lutte intérieure, de la dissonance, de la rébellion, de l’égarement… de la transgression de la loi… du péché humain… de la révolte des anges. ([René Allendy – Le symbolisme des nombres - 1948]. Onze pourrait être rapproché de tant d'autres choses encore, du sport aux œuvres diverses, d'attentat mémorable à la onzième lame du tarot : la Force !

« Dissonance, rébellion, transgression, ça c’est pour Martial. Moi, ce serait plutôt la révolte des anges, non ? Mais décidément, je me sens plus en phase avec la tradition africaine » se suggère Candide.

mercredi 27 février 2008

Président-assesseur-dépouilleur ?


Pour être légalement composé, un bureau de vote doit comprendre un président et au moins deux assesseurs. Chaque candidat a le droit de désigner un assesseur titulaire et un suppléant. Une seule condition est nécessaire : être électeur. Et puis surtout s’engager à être présent dès le matin pour contrôler les opérations d’ouverture du scrutin, pendant une grande partie de la journée, pour assurer le bon déroulement du scrutin, et enfin le soir pour assurer la clôture puis le dépouillement jusqu'à son terme. Est ce vraiment nécessaire de s’impliquer la aussi pour s'assurer de la régularité du scrutin dans les bureaux de vote ? Candide avait été assesseur en 2001, c’était une expérience intéressante. Et puis aussi « dépouilleur ». Faut-il se porter à nouveau volontaire ? Pas sur. Cela ne permet même pas d’influer sur le vote. Toute allusion serait coupable. S’en compter que si vous êtes président, vos voisins ne s’en rendent compte que quand ils déposent leur bulletin dans l’urne : les jeux sont alors déjà fait. Candide préfèrerait être en famille à 20h pour regarder l’estimation des résultats nationaux puis se rendre à la Mairie pour voir arriver les comptes de chaque bureau au fur et à mesure.

« Shoot d’adrénaline continue sur plusieurs heures assuré, c’est bon rien que d’y penser » s’en délecte d’avance Candide.

mardi 26 février 2008

Etincelles


Fatigue des uns, sensibilité des autres, Morad, colistier, passe rue des Charmilles, s’apprête à utiliser l’ordi, s’en voit refuser l’accès au nom d’un usage réservé, s’en fâche, s’en subit en retour reproches et invectives. « Tu es un gros con ! Tu es indésirable dans ce local : ça fait un moment que je tenais personnellement à te dire ton fait » lui aurait dit Honorine, l’une des permanentes ! Vrai ou faux, le laisser entendre ainsi fait mal. Discrimination raciale se convainc Morad. Aie ! Effet Rama Yade : il y a de la contagion communautariste dans l’air ! « Bon c’est exact que Morad, fassi, et quoique prof de français, a une tête de reconductible à la frontière sans même qu’on lui demande ses papiers » se dit Candide « mais c’est vrai aussi qu’il n’est pas toujours finaud ». Par mail collectif, Morad en appelle à l’arbitrage de Martial. Katarina répond trop promptement. Pour calmer l’ire, croit-elle. Effet inverse. Morad juge aussitôt qu’elle minimise l’incident pour protéger sa protégée. Naemi, se propose alors en médiation. C’est l’avantage d’une liste très sociale, des médiateurs il y en une demi douzaine !

Nul doute que ce n’est pas fini. Martial, tel Saint Louis, va-t-il savoir ramener tout cela à une plus aimable proportion ? Jusque là l’ambiance avait su rester très bon enfant. Cordiale. Mais fatigue de tous, sensibilité de chacun, cela peut vite partir en vrille.

« C’est un des dommages collatéraux de la messagerie Internet : on peut y diffuser des mots très durs avec une rapidité qui exclu tout le recul qu’offrait jusqu’alors le rythme plus sage de la correspondance épistolaire » reconnait par expérience Candide lui-même.

lundi 25 février 2008

Supra héros


Séraphine avait clairement exprimé son souhait que son Candide de père n’apparaisse pas trop en vue coté collège. Peine perdue. Les enseignants font de l’instruction civique in vivo mais les enfants n'ont besoin de personne pour découvrir sur les affiches ou les tracts la présence d’une figure connue ou le nom d’un camarade de classe : « C‘est ton père ? ». Séraphine rougit irrépressiblement. Jamais facile à 14 ans de supporter la notoriété, aussi modeste soit-elle, de ses géniteurs. Mais au moins, cela forme t-il des enfants sensibles au enjeux politiques, à l’investissement individuels et collectifs au profit des autres.
Séraphine a regardé avec son père l’excellent documentaire sur la résistance. Candide, comme à son accoutumée face à ses images déjà pourtant tant vues, pleurait en silence. Irrépressibles larmes. Comment supporter sans émotion totale cette implacable haine de l’autre ? Comment vivre cela sans agir ? Sans réagir. Pendant, avant, après. Ici. Et maintenant. Etre juste un héros anonyme comme ses millions de français intervenus alors. Etre donc juste un homme normal.

Candide se dit que ce type de documentaire serait bien plus pertinent à diffuser aux troisièmes que de faire adopter un enfant mort à des CM2. « Pauvre Duracel. Sa précipitation à apporter des réponses, quelles qu’elles soient pourvu qu’elles soient, à de vrais questions, le précipite dans un n’importe quoi coupable » soupire Candide.

dimanche 24 février 2008

Interlude


Quand Candide était enfant, il arrivait souvent à l'ORTF de le faire patienter entre deux programmes, ou lors d'une interruption technique ce qui arrivait fréquemment. C'est ainsi qu'était né le 15 septembre 1960, le Petit Train d'Interlude, appelé aussi Le Petit Train Rébus. Au son d'une musique plus qu'entêtante, il serpentait dans des paysages familiers, proposant un rébus réparti sur chacun des wagons du train. Et après avoir montré tous les éléments du rébus, terminait sa course champêtre à la gare de... La Solution !

Candide part se reposer quelques jours en ce lieu d’enfance où la vieille télé est toujours en noir et blanc et où aucune connexion numérique ne parvient encore. Ses réflexions quotidiennes se poursuivront mais ne pourront peut-être ne vous parvenir que samedi prochain. A moins que son fils Gaspard ne veuille bien s'en charger...

« A bientôt » salut Candide en partant.

samedi 23 février 2008

Marché desert


Une liste « indépendante » c’est une liste sans parti. Sans parti donc sans militant. Donc sans ressources bénévoles. Déjà, il a fallu à ces initiateurs beaucoup d’énergie pour fédérer suffisamment de personnes pour constituer la liste. Peu d’espoir en places éligibles alors pourquoi y aller ? D’autant que le but d’une liste ce n’est pas de constituer un dîner de copains mais une équipe crédible, implantée, connue. Et les connus ils n’ont pas grand chose à gagner à s’afficher dans ce parti-pris éphémère et sans gratification. Certes à la liste des co-lisiers s’ajoute, celle du comité de soutien. Mais elle est encore bien moins impliquée. Arracher une signature, un outing local, est une chose. Transformer cet acte en engagement militant en est une autre. Tout ça pour dire qu’une liste d’indépendants ne peut compter vraiment que sur les seules forces qui la composent. Et encore : une partie seulement. Peu de monde donc. D’où le risque d’épuisement, de tension ou de lassitude. Ce qui peut engendre des violences verbales comme déjà vu, des doutes existentiels, comme le ressent souvent Candide. C’est ainsi que Candide fluctue entre la culpabilisante lecture des rapports d’activité quotidien de certains, d’une part, et le constat compensateur d’en faire tout de même beaucoup plus que d’autres colistiers, d’autre part, vu jusqu’à aujourd’hui que le seul jour de la photo.

« Résultat : aujourd’hui il n’y a personne au marché et moi qui m’en vais, je ne peux y pourvoir » se désole Candide.

vendredi 22 février 2008

Le maillon faible


Hier soir, à 18 heures tapantes, c’était l'heure ultime pour le dépôt de sa liste. « Alors ? Combien de placées dans les stalles ? ». 12 ! Mazel tov ! Cela fait tout de même plus de 400 candidats, tout ça ! Sur la photo de groupe il y a, de gauche à droite, les essentielles listes des Travailleurs (PDT) avec le Billy, des Ouvriers (PDO) avec la Laubna et enfin celle des Prolétaires (PDP) avec la Pepina. Vu le nombre d'usines que l'on ferme en France ce n'est pourtant pas une population en hausse. Tous unis dans l'internationale mais désunis sur le terrain communal. A cette cacophonie s'offre l'alternative de la Liste éponyme de l'Agnela (PDA). Puis se retrouvent celles du Martial, du Désiré et de La Francine. Au centre, outre le Dieudonné, il y a plus ou moins celle du Jean-Max, total inconnu prônant la convivialité en guise de programme. Enfin le René et le Jean-Clément, bordés comme ils se doivent, hélas, sur l'extrême droite de la photo, par la liste du Front Uni Communal (FUC) avec le Théodule ! Alors qui sera le maillon fort ? Qui reviendra en deuxième semaine ? Encore quelques jours pour le savoir...
« Bonjour, vous allez jouer au Maillon Faible. Devant vous : 12 équipes de candidats. Ils ne sont pas tous de la même famille, peu s'en faut, ils ne sont pas tous amis, loin de là, ils ne se connaissent même pas tous, ou si mal. Et pourtant ils vont devoir jouer sur le même terrain. Le votre. Dans trois semaines, une seule équipe remportera la mairie, les autres repartiront sans rien, les mains vides, voire avec un lot de consolation de quelques conseillers d'opposition.
À la première manche tous les candidats n'ayant pas eut 5 points minimum seront exclus ! Les autres pourront, soit se demettre, soit se maintenir, s'ils l'osent, soit faire équipe, s'ils ne sont pas simplement éliminés par vous, parce qu'ils auront été considérés comme étant... les maillons faibles. »

« Laurence Boccolini en grand ordonnateur des résultats, ministre de l'intèrieur, bigre ! » frémit Candide

jeudi 21 février 2008

La méchanceté sort du boa


Manifestation devant le stade du Boa constrictor. Xarder était là et nous en rend compte. Martial est venu soutenir la petite association sportive locale victime d’une rupture de fond départemental et de créneau horaire pour exercer dorénavant son activité. Il a signé la pétition de soutien ainsi que le René, également présent. Absences remarquées des candidats d’appareil, Francine, Jean Clément, Dieudonné... Certains ont dit à Xander que Francine était passée dans la cité, cassant du sucre sur le dos de Martial et attribuant à Bornard la paternité de tout ce qui avait été fait dans leur quartier. Les habitants sont déstabilisés et ne savent plus quoi penser. Il faut donc absolument revenir en force sur le quartier, têtes de liste en tête, Katarina, Nourdine, et autres colistiers.
Francine est méchante ! Francine ? En fait, c’est la politique qui est méchante Candide le sait bien, lui qui a toujours voulu s’en tenir à l’écart, souffrant trop facilement de cette dure réalité. Pour faire et supporter de la politique il faut être capable de ne pas « entendre » toutes les monstruosités susceptibles d’être dites à votre égard. Il faut pouvoir considérer qu’elles s’adressent au personnage politique dont vous tenez le rôle et non à l’acteur qui le porte. Gérer un véritable dédoublement de sa personnalité. Rire de ce qu’il advient à son autre soi-même, pas vraiment soi. Et Candide ne sait pas faire. Candide a peur de souffrir de fortes blessures faute d’armure adéquate.

« Faut-il espérer que j’y parvienne ? Faut-il que je me convaincs de me forger ce blindage ? Ou faut-il que je demeure tel que je suis, candide ? Simplement soi. Fragilement moi. » s’inquiète Candide.

mercredi 20 février 2008

Promesses tentantes


Les opérations « coup de poing » ont le vent en poupe. Sous ce terme brutal se cache juste un porte à porte en nombre sur un même secteur. L’émulation y est plus grande, et l’impression d’avancer plus vite encourageante. Quatre, cinq, six équipes constituées en binôme homme-femme prennent ainsi d'assaut les immeubles d’un grand ensemble au hasard des possibilités d'accès. En joker, le nom d’un habitant ami qui ouvre, ou un code d’accès recueilli en aval. L’idéal : un cabinet médical. Ils ouvrent sans contrôle. Les accès sont ainsi laborieux, mais fructueux quand s'ouvre une porte. Démarrant en fin de journée, le porte à porte est surtout productif avant l'heure du dîner et le journal télévisé. Au-delà de ces horaires cela indispose. Deux petites heures seulement pour agir. Il faut donc aller vite, refuser les invitations des plus gentils et se défaire des ratiocineurs. Sans oublier de bien prendre notes des requêtes de tout ordre mais toujours semblables :
- Propreté : les rues pas assez balayées, les crottes de chiens non ramassées, les encombrants abandonnés sont insupportés.
- Petite enfance : pas assez de crèches collectives ni de places d’accueil disent les mamans. Même si les efforts faits sont reconnus.
- Stationnement et parking : trop peu de places disponibles, des sanctions aveugles. Mais tous pestent contre les voitures ventouses...
- Un logement adapté et à prix abordable demeure la priorité des habitants. Pour éviter de devoir s’expatrier plus loin encore.

« Finalement, un candidat capable de promettre à tous un logement spacieux, pas cher, avec parking, et une crèche au coin de la rue garantie propre, il fait 99% des voix non ? » se ment Candide.

mardi 19 février 2008

Piochage continu


Chacun s’emploie à poursuivre jour après ses jours ses coups de pioche avec la même foi que Yukong. Candide lui, pris par son travail, tard, puis par ses enfants, sa tendre étant partie à Milan, est indisponible. Mais chaque jour il suit sur sa messagerie le ballet croisé des programmes d’actions, des rendez-vous quotidiens, des comptes rendus factuels, toujours modestes mais dont l’addition incessante fait sens.
Un compte rendu parmi tant d’autre : « Boitage villa Poulain, rue de Beauvillage: 280, 282, 284, 286. Rue Gorrébo: 18, 20, 22-30, 38, 46-52, 23, 29, 37, 39,47-49, villa rue de la Ruée, rue Paxo: 64, 80, 88, 90, 94-98,110, 69,77,101,103. Avenue Léon : 211 avec 64 rue Paxo et passage. Rue Piocheport :118b, 136, 138-140, 150, 162, 184, 186, 93, 97, 107, 107A, 117, 137, 139, 145, 165. St Garfeau : villa(4à12) 17, 27, 35, 37. Villas rue Passet, rue du Téléphone : 12, 14, 14b, 16-18, 28, 3,13,27,35,43. Rue Tourterelles : passage, 12, 15, 13b, 17-31. Pour la première distribution : 2817 boites visitées. Pour la deuxième distribution : 3184 boîtes visitées. Porte à porte St Garfeau coté pair, HLM boulevard Ciment. Routage des envois au local. »
Au local justement, rue des Charmilles, d’immenses cartes cadastrales sont sur les murs et chaque information y est reportée. Saturations ici, « blancs » par ailleurs : les futures zones d’actions prioritaires apparaissent d’elles-mêmes.

De son écran d’ordinateur, Candide semble entendre au loin le bruit des pioches, incessant.
« La montagne se déplace doucement ! » constate, confiant, Candide.

lundi 18 février 2008

Rien d'impossible...


Dans la Chine antique, il y avait une fable intitulée «Comment Yukong déplaça les montagnes». On y raconte qu’il était une fois, un vieillard appelé Yukong. Sa maison donnait, au sud, sur deux grandes montagnes, le Taihang et le Wangwou, qui en barraient les abords. Yukong décida d’enlever, avec l’aide de ses fils, ces deux montagnes, à coups de pioche. Un autre vieillard, nommé Tcheseou, les voyant à l’œuvre, éclata de rire et leur dit: «Quelle sottise faites-vous là! Vous n’arriverez jamais, à vous seuls, à enlever ces deux montagnes!» Yukong lui répondit: «Quand je mourrai, il y aura mes fils; quand ils mourront à leur tour, il y aura les petits-enfants, ainsi les générations se succéderont sans fin. Si hautes que soient ces montagnes, elles ne pourront plus grandir, à chaque coup de pioche, elles diminueront d’autant; pourquoi donc ne parviendrions-nous pas à les aplanir?» Après avoir ainsi réfuté les vues erronées de Tcheseou, Yukong, inébranlable, continua de piocher, jour après jour. Le Ciel en fut ému et envoya sur terre deux génies célestes, qui emportèrent ces montagnes sur leur dos.

« Comment Yukong déplace les montages » fut aussi le titre du dodécalogue de Joris Ivens, grand maître du cinéma documentaire. A l'invitation de Zhou En-laï, il consacra un an et demi au tournage et autant au montage de ce film, de plus de onze heures au total qui sorti en mars 76. Dans cette vaste fresque en douze tableaux de la Chine après la révolution culturelle, ils filmérent au quotidien, avec une ardente générosité du regard, les employés d'une pharmacie, des acteurs de l'opéra de Pékin, un village de pêcheurs, un professeur victime des gardes rouges ou la naissance d'un dazibao (journal mural en grands caractères). Le titre évoque cette fable, réactivée par Mao pour faire comprendre son message fondamental: «Notre ciel à nous n'est autre que la masse du peuple chinois.» Quitte à forcer le cours de l'histoire, le peuple peut transformer le monde. Ce titre et ce film illustrent admirablement le riche fond d'utopie qui a guidé toute la démarche de Joris Ivens.

Comme Candide, des milliers d’entre nous furent enthousiasmés par cette vision partisane de tout ce qui se faisait alors en Chine.

dimanche 17 février 2008

"Go ahead my son !"


Dès potron-minet, Candide s’attelle à sa première action du jour. Il prépare colle et affiches. Il a de cela une expérience éprouvée acquise il y a 30 ans. Il défendait alors des perspectives plus engagées. Polices et municipalité étaient à son égard peu amènes. Le collage d’affiches était risquée, il fallait faire vite. Et il était capable de coller, seul, cent affiches à l’heure ! A quatre, en voiture, feux éteints, un au volant, un en guet, deux au collage, ils pouvaient couvrir la commune en une nuit en se faufilant entre les gyrophares des patrouilles.
Aujourd’hui, Candide sort tranquillement de chez lui, en plein jour, son saut de colle à la main et ses affiches dans son sac a dos. Il retrouve ses amis, et vont ensemble aux confins de la commune, dans ces quelques zones d’habitats modestes et frontaliers où nul militant ne vient jamais. L’avantage, c’est que l’affichage d’aujourd’hui restera, unique, jusqu’au 9 mars. Et même bien au delà !
Il poursuit sa matinée au marché du coin. Tous les « tracteurs » sont là. Certains se saluent. Connivence militante au-delà des choix partisans. D’autres demeurent plus arc-boutés sur des positions semblant leur interdire toute amabilité aux autres. Martial vient fait le tour des équipes, saluent les commerçants et quelques client. encourage Candide. Il fait beau mais très froid. Et le soleil réchauffe l’autre coté de la rue. Malgré ses mains gelées par le collage, pas assez couvert, Candide demeure jusqu’au bout. Un bout juste calé sur le moment suivant le départ du dernier diffuseur concurrent.

« C’est aussi une guerre psychologique : obliger les autres à partir en laissant aux partisans de Martial, le bénéfice de leur seule présence militante C’est déprimant. pour eux ! » glousse Candide.

samedi 16 février 2008

J-22


Dès potron-minet, Candide rejoint ses petits camarades au marché. Le communiqué d’hier s’est muté en tract, style last news : «Non au retour de Dieudonné». Les militants du PEV sont ravis, ceux du PES dans leurs petits souliers. Ici, Candide croise bien évidemment ses voisins. L’un se découvre fort marri « Non ? Toi, Candide, soutenant Martial ? Vraiment tu me déçoit ». Discussion aimable. S’il y a déception c’est qu’il y avait estime ? Son interlocuteur en convient. S’il y avait estime, il peut y avoir écoute attentive ? Son ami, écoute, baisse un peu la garde. Candide porte gentiment l’estocade : « Et si la Francine s’associe avec le Dieudonné au second tour ? Que fera le Désiré, ton candidat ? Plus certainement alliance avec la Martial, non ? ». Le coup a porté. A défaut de gagner un partisan, Candide a modéré un opposant.
A 13h, réunion de coordination hebdomadaire. « J-22 » est affiché rue des Charmilles. Martial exhorte encore et toujours ses troupes à aller de l’avant. Sprinter dans la dernière ligne droite. Etre présent tout azimut. Intensifier le porte à porte. « Le porte a porte, c’est 15 personnes interpellées par heure. Quinze personnes interpellées, c’est une ou deux voix indéterminées qui enfin se rallient. Deux voix qui se rallient, 2 heures par jour, sur dix équipes, sur 20 jours, c’est 800 voix qui basculent, c’est 1 à 2 % de plus au final qui font la différence ! »
A 15 heures toute l’équipe investi la cité du « Boa constrictor ». A 19 heures, Candide a interpellé 50 personnes. Et fait bouger une demi-douzaine d’entre eux.

« S'armer de résolution, ne reculer devant aucun sacrifice et surmonter toutes les difficultés pour remporter la victoire » disait déjà MaoTsétoung le 11 juin 1945 [Comment Yukong déplaça les montagnes].

vendredi 15 février 2008

COMMUNIQUE DE PRESSE

Objet : Municipales 2008 – Interpellation de Martial sur le PEB

Martial, maire sortant, candidat à sa réélection, considère que l’évocation publique d’un accord possible entre le PES et le PEB entre les deux tours exige une clarification.
« Les hommes et les femmes dont le cœur est à gauche ne sont pas prêts à cautionner le retour de Dieudonné, le candidat PEB, au second tour sur la liste du PES ! »

Martial appelle tous les conseillers de la majorité sortante à la clarification. Que ceux-ci soient issus des rangs du PES, du PEC, du MER ou du PEV. Et quel que soit leur engagement au premier tour. « Vous qui avez, avec moi, permis aux habitants de notre commune, dès 1995, de tourner la page du clientélisme et du mépris de l’époque Dieudonné, n’acceptez pas que celui-ci puisse, à la faveur de médiocres calculs électoraux, revenir en catimini, paré d’une fausse vertu, sur une liste d’appareil. »

Voilà, clic clac, Candide envoie ce communiqué par mail à toutes les rédactions. On verra ces jours-ci s’il y a de l’écho. Evidemment, l’idéal serait d’appeler chaque journaliste pour lui faire un brin de causette. Mais ils ne sont pas là et quand ils sont là ils sont en bouclage et « ça » les gonfle plus qu’autre chose.

Ce qui est bien avec cette activité c’est que cela permet à Candide de se dédouaner un peu, vis a vis de Martial et des autres, sur le fait qu’il n’est pas très présent sur le terrain actuellement.

« Surtout, surtout, ne pas culpabiliser. Ne pas se prendre la tête. Faire les choses comme elles viennent. Sinon, ce ne serait plus du jeu » se convainc Candide ! « Du jeu ? » fait en écho une petite voix moralisatrice cachée dans un coin...

jeudi 14 février 2008

Rififi salutaire


Alors que la campagne ronronne dans sa répétition nécessaire mais néanmoins usante le PES offre à l’équipe de Candide du grain à moudre. Les œillades du grand Bornard au PEB provoque l’émoi. Et il ne s’agit pas d’interprétations discutables, mais d’authentiques perspectives clairement évoquées. Or, un accord départemental entre les deux tours aurait pour effet collatéral d’offrir à Dieudonné l’opportunité d’une remise en selle dans sa commune. Lui, l’ancien maire, mis à terre en 95 par Martial lui-même, alors candidat du PES, prendrait une jouissive revanche. Le hic, c’est que les habitants s’en souviennent et sont moins girouettes que les apparatchiks. Et puis, le Paulo ne pourrait pas rester sur la liste commune au nom du PEC ! Et puis le PEV ne pourrait pas s’unir à « cela » ! D’autant que le Désiré l'a mauvaise actuellement vis a vis du Bornard. Chacun y va donc de sa déclaration outrée. Candide rédige celle de Martial avec délectation.
Les dénégations vont aussitôt pleuvoir. Mais il n’y aura pas eu de feu sous braises sans fumée. D’autant que le rougeoiement de celles-ci sont bien visibles. Le doute demeurera. Il sera plus facile aux prosélytes de Martial de suggérer aux électeurs le seul vote sans ambigüité possible...

« Vous voulez le retour de Dieudonné ? Votez PES ! », va pouvoir ironiser perfidement Candide. Facile ! Mais judicieux...

mercredi 13 février 2008

Lassitude


Il n’est pas facile de conserver chaque jour un enthousiasme inaltéré. La lassitude vous prend sournoisement. Candide constate soudain que quelques jours sont passés sans qu’il ne fasse plus grand chose pour servir l’objectif convenu. Que le temps est passé sans prise. Alors que les jours sont comptés. La fatigue l’a gagné. Légitime. Trop de travail là, trop d’obligations ici : les justifications rédemptrices ne manquent pas. Il y a toujours de bonnes raisons à prendre soin de soi plus que des autres. Surtout si l’on prend également soins de quelques « autres ». Des autres bien choisis qui ne sont qu’une partie de vous même : famille, amis, voisins.
Et puis « tout cela n’est-il pas vain », « blanc bonnet et bonnet blanc ». A qu’il est doux l’égoïsme du confort déculpabilisé. Le quant à soi. La satisfaction d’un modeste devoir accompli. Le bien-être innocent du nanti. Celui lui qui permet à tant d’entre nous de se satisfaire d’une compassion dominicale pour son prochain. Un prochain évanescent, symbolique. Une compassion sonnante et trébuchante. Mais en pièces jaunes, cela va de soit.
Se battre. Tous les jours. Toujours. Tout simplement parce qu’une vie à elle seule ne pourra jamais racheter la faute originelle. Celle d’Adam ? Non point. Celle d’être né quelque part, du bon coté du manche. Celle de faire partie du 1% de la population mondiale le plus riche.

Candide n’a pas le droit. Non pas le droit de s’endormir. D’endormir. Dormir. Mourir.

mardi 12 février 2008

Idéologuie et ventripotence


Le patron de Candide l’a "traité" d’idéologue.
Gentiment bien sur. Comme un trait d’humour. Ou d’agacement. Voire, de jalousie ?
Idéologue...
L’avantage de la langue française c’est que sa richesse et la multiplicité de ses usages dans le temps permettant à celui qui s’en donne la peine d’y trouver tout son content. Candide aurait pu se trouver fort marri d’être qualifier ainsi de dogmatique. Pire, d’idéaliste, genre rêveur et pas les pieds sur terre. Mais un idéologue, n’est ce pas aussi, et avant tout celui qui formule et développe un système d'idées ? Sans nécessairement en faire une doctrine. Finalement, avec perfidie ou sincérité, son patron a simplement manifesté à Candide une réalité bien palpable.
D’abord, que Candide a des idées tous les jours ce qui n’est pas le cas de tout un chacun. Candide réfléchit lui. Discute, lit, observe, cherche, s’interroge. Trouve, parfois. Nécessairement.
Ensuite, que Candide aime les formuler les idées qu’il trouve, les défendre, les justifier, les mettre en œuvre. quelles que soient les résistances. Les forces « réactionnaires ». Pire, Candide pense que l’idée est constitutive de sens, et qu’à défaut, sans idée, on ne vit pas, on survit.

Candide regarde son patron, ventripotent, satisfait, béat de suffisance. « Voilà, oui, de suffisance : il se suffit a lui-même, il n’a pas besoin d’idée et rien d’autre à défendre que l’ordre établi » se désole pour lui Candide.

lundi 11 février 2008

Table des possibles


Dans son dernier ouvrage*, Alain Badiou, s’adressant aux citoyens accablés par la situation politique présente, ouvre « la piste de huit points praticables. Ce n’est ni un programme ni une liste, juste une table des possibles, abstraite et incomplète, naturellement. » Juste les prémices du nouveau manifeste communiste dont chacun attend l’avènement. Chacun ?

1. Assumer que tous les ouvriers qui travaillent ici sont d’ici, doivent être considérés égalitairement, honorés comme tels, et singulièrement les ouvriers de provenance étrangère.
2. L’art comme création, qu’elles que soient son époque et sa nationalité, est supérieur à la culture comme consommation, si contemporaine soit-elle.
3. La science, qui est intrinsèquement gratuite, l’emporte absolument sur la technique, même et surtout profitable.
4. L’amour doit être réinventé, mais aussi tout simplement défendu.
5. Tout malade qui demande à un médecin d’être soigné doit-être, par celui-ci, examiné et soigné le mieux possible, dans les conditions contemporaines de la médecine telles que ce médecin les connait, et ce sans aucune condition d’âge, de nationalité, de « culture », de statut administratif ou de ressources financières.
6. Tout processus qui est fondé à se présenter comme le fragment d’une politique d’émancipation doit être tenu pour supérieur à toute nécessité de gestion.
7. Un journal qui appartient à de riches managers n’a pas à être lu par quelqu’un qui n’est ni manager ni riche.
8. Il y a un seul monde.

« Et c’est argumenté ! Lisez-le ! Oxygénez-vous ! » s'enthousiasme Candide.

* De quoi Sarkozy est-il le nom ? (Alain Badiou) Lignes.

dimanche 10 février 2008

Médiages et sondias


Distribution de tracts dans les boites aux lettres des rues avoisinantes. Candide sort de chez lui au crépuscule. Un beau croissant de lune l’accompagne. Il n’a pas de chien à promener. Juste une campagne à battre. Dans ces rues pavillonnaires, les boites sont accessibles, contrairement aux halls d’immeuble. Mais très distantes les unes des autres. La plupart ont un petit autocollant « stop pub » collé en avertissement. Mais il ne s’agit pas de pub. Juste de propagande. Sur les réverbères, Candide, lui, colle, les siens "Avec Martial". Méthodiquement, il plie chacun de ses tracts aux formats idoines des différentes boites aux lettres. Il n’ose imaginer combien d’entre eux ne seront pas même entraperçus avant de rejoindre la poubelle. Combien sont-ils hostiles à cette forme de communication ? Combien y sont juste indifférent ? Combien vont-ils vraiment prendre le tract et, au moins, ne serait-ce qu’apercevoir son objet et son émetteur ? Son expérience de marketing direct l’oblige à considérer que 10% est un grand maximum. Et sur ces 10%, un seul, deux au mieux, sont susceptibles d’y être un peu attentifs. Mais après tout, ce n’est déjà pas si mal ! Chaque avancée ne résulte-t-elle pas, toujours, que d’une infinité d’avancées encore plus modestes ? Combien de pas pour faire un kilomètre ? Combien de boites pour un électeur de plus ? A cette heure, Candide ne croise plus personne. Beaucoup sont devant leur « JT » et découvrent que rien ne va plus à Duracelville, où, même là, les parachutages fussent-ils dorés ne plaisent pas aux gens, fussent-ils tout autant dorés. Dixit les sondages.

« Evidemment, ce n’est pas ici que les médias vont venir prendre le pouls de la population » constate Candide

samedi 9 février 2008

Au bout du bout


Distribution de tract sur ce petit marché de la cité, peu fréquenté, mais dont les voix des habitants pourraient très bien faire la différence dès le premier tour. Contact facile. Expression du mécontentement politique et social actuel. Les requêtes portent aussi bien sur le pouvoir d'achat que sur l'insécurité dans le secteur. Il est question aussi de chiens dangereux non tenus en laisse. Un habitant n'ose plus promener sa petite fille parce que ces chiens sont presque souvent à la hauteur des visages d'enfants. Des griefs contre cette zone sous équipée en commerce et service public. Ou si mal. Le bureau de poste est une véritable « catastrophe » avec un accueil « nul ». La propreté du boulevard et des rues avoisinantes n’est pas satisfaisante. Une parent d'élève évoque la dangerosité du boulevard dont la traversée est risquée pour les élèves et leurs parents. Le logement est un autre sujet d'échange. Avec le besoin crucial de plus grands appartements afin de procurer à chaque enfant un minimum d'espace vital et d'intimité. Un groupe de résidentes trouvent que la policent manquent souvent de respect aux habitants qui la sollicitent. En résumé, les requêtes portent sur l'insécurité, la police, le logement, la sécurité routière, le stationnement et la propreté dans le périmètre immédiat et avoisinant. Du concret, simple, immédiat, quotidien. Loin des paillettes et de la complexité des enjeux nationaux. Certains habitants ont le sentiment d'être abandonnés à leur sort. Il faut faire venir ici Martial dimanche prochain. Ils apprécieraient fortement ce geste.

« Une visite de quartier doit absolument être réalisée sur place, ici, avant le premier tour » propose et obtient Candide.

vendredi 8 février 2008

Tout en haut de l'affiche


La liste serait elle enfin close ? Soyons juste celle de Martial est sans doute la seule aboutie. Aucune des autres têtes de liste n’aurait bouclé la sienne ! Autant il est difficile de départager les candidats aux premières places autant il est ardu de les convaincre à rejoindre les autres. Surtout que l’idéal pour chacun est d’avoir néanmoins dans ces places, dites « non-éligibles », des personnalités un peu représentatives. Tant qu’à faire ! Celle de Candide est donc bouclée. Et l’affiche de campagne les représente en totalité. C’est une photo sympa. Genre réunion de famille. Candide en a offert un exemplaire à sa maman. Elle ne vote pas dans sa commune. Elle n’en est pas moins fière. Et d’ailleurs, son fils, sur la photo, et de loin le plus beau ! Car ce qui est bien avec les mères, c’est cette garantie de demeurer le meilleur quoi qu’il advienne.
Nouvelle affiche, nouveau tract, nouveaux autocollants. La campagne se poursuit. L’équipe convient qu’il n’est guère « rentable » d’organiser encore des réunions publiques. Trop peu de monde quel que soit le sujet et le candidat. Tout l’effort doit maintenant porter sur le contact direct avec les habitants. Boîtage, porte à porte, « promenade » en groupe. L’équipe s’interroge aussi sur la l’affiche officiel. Faut-il mettre le portrait de Martial seul, comme le fait chacun, car on vote d’abord sur le nom qui porte le projet ? Ou faut-il mettre une photo de groupe, dans l’esprit de la campagne ? Tout le groupe ou une partie ? A quel niveau ? Martial hésite, ces communicants professionnels lui conseillent d’être seul. Candide pense quant à lui que treize serait un bon nombre, suffisant pour faire « équipe » et pas trop pour être identifiable. Débat non tranché.

« Je préfère une photo de groupe » tranche Hina, la compagne de Candide. Candide acquiesce.

jeudi 7 février 2008

Le soutien de Saturne


Mitterrand consultait Elisabeth Tessier ! Mais c’est seulement par hasard que Candide tombe sur son propre horoscope 2008 dans un magazine de salle d’attente. Saturne est là, et c’est une bonne chose parait-il. Soit, mais il est là pour tout le monde, non ? Oui, mais là, il demande spécifiquement à Candide de porter son attention sur lui-même : « Qui est-il ? Que veut-il faire de sa vie ? Que doit-il changer en lui pour devenir celui qu’il est vraiment ? » Sacré programme ! Et si trop d’obligations ou d’obstacles l’encombrent, Saturne va l’aider « à faire table rase du passé et à réévaluer ses priorités ». Ce qui facilitera son nouveau départ. Départ ? Oui !
« Un contrat inattendu en mars »... Dingue ! Il n'est pas précisé si c’est juste après le 16 au soir, mais on s’en doute bien ; évidemment ! Tout cela est donc vrai ? La preuve : il y est dit aussi que Candide fera « un voyage en amoureux en mai » et il vient justement de prendre deux billets pour lui et sa douce ! Même plus besoin de faire campagne, tout est écrit, et bien écrit.... D’ailleurs, Mars va aider Saturne en fin d’année (en "mars" aussi sans doute...) et Vénus est sensée le rendre sexy dès janvier, février. Tiens ? Candide, trop modeste, n’avait pas remarqué ! Mais ce doit être vrai. Et c’est parfait pour séduire l’électeur.

« Du passé, faisons table rase, foule esclave, debout ! debout ! Le monde va changer de base : nous ne sommes rien soyons tout ! » chantonne Candide.

mercredi 6 février 2008

Des ordres à vau l'eau


Candide manque de temps domestique. Il avait déjà pris un bon retard dans le rangement de son bureau et, là, tout empire ! Au stock d’en cours, d’à classer, d’à voir un de ces jours, d’à faire-urgent, de journaux à lire, d’articles à conserver, s’ajoute ce qui vient de la campagne en cours : autocollants, tracts, communiqués de presse, dossiers de travail. Mais il y aussi les RTT à programmer, les vacances à caler, les vols à réserver, les travaux à faire, les devis à enclencher, les impôts à préparer, les factures à vérifier, à contester, à régler, les demandes de renseignement, tout s’entasse. Et l’orientation des enfants, et la retraite à laquelle il faudrait songer, et l’offre d’achat du champ d’à coté... L’avantage de cette pièce bureau pour la famille de Candide, c’est que tout papier dont on n’a plus besoin, toute fourniture devenue inutile est déposée là, « à discrétion ». Et quand « on » a besoin de quelque chose, « on » vient le prendre. Quand Candide a besoin, lui, de son tube de colle ou de sa bonne paire de ciseaux, il ne les trouve jamais ! Par contre il a à disposition trois cent feutres usagés, deux cent crayons bien entamés, des trombones de toutes les tailles, quatre agrafeuses (sauf celle qui marche), dix machines à calculer, cinq téléphones portables sans abonnement. Coté ordinateur ce n’est pas mieux, le câble de sa clé USB est régulièrement déconnecté comme celui de son appareil de photo. Mais d’autres serpentent entre les CD anonymes et les cartouches d’encre usagées non jetées, témoins d’un usage ponctuel et sans fioriture d’autres usagers de passage.
Sans doute le contenu de son disque dur est-il plus clair ? Il n’a qu’un tuyau, le classement est chrono, et l’on peut revenir en arrière sans trop de mal. Mais entre ce qu’il reçoit de professionnel à domicile et de personnel au bureau. Ce qu’il classe sans lire et lit sans classer...

« Et dire en plus que toutes les archives numériques n’ont, parait-il, qu’une durée de vie de dix à vingt ans » se désespère Candide.

mardi 5 février 2008

Une campagne gironde...


Ce qui se passe dans la commune de Candide est loin d’être un cas isolé. Si le PES est en panne au sommet, si ses leaders nationaux ne semblent exister qu'au service de leurs ambitions particulières et contradictoires, cela ne témoigne pas de la vitalité de la base que l’on constate sur le terrain. La perte de légitimité de la direction nationale a engendré une perte d’autorité et donc une prise d’autonomie qui s’est propagé à chaque échelon. Bien sur, hélas, nombre de militants qui en avaient rejoint les rangs il y deux ans n’ont pas supporté la triste réalité vu de l’intérieur. Les effectifs auraient fondu de moitié ! Mais surtout nombre de militants plus anciens et toujours actifs, minoritaires comme autour de Martial, mais souvent majoritaires au sein de leurs sections, entrainant celles-ci contre les diktats d’appareils. Voire certaines fédérations tout entières, défiant ouvertement le national. Dérive girondine, renvoyant aux années 50 ? Repli communal renonciateur de toute conquête nationale ? Pourquoi pas une avancée de la démocratie locale ? Une revanche du pragmatisme de terrain ? Une bonne mise en œuvre du « penser global, agir local », cher aux altermondialistes ?

« Puisse tout ceci, quoiqu’il advienne spécifiquement de moi, être suffisant pour remettre en ordre la machine-à-fabriquer-de-l’avenir-meilleur que devrait être tout parti digne de ce nom », espère Candide.

lundi 4 février 2008

Souvenancitude presente


La main de Candide, rêveuse, glisse sur ses rayonnages de livres. S'y aimante l'ouvrage de Vernant, Entre mythe et politique. Quelques passages soulignés par lui lors de sa première lecture en 96, à juste quarante ans, l’apostrophent : « Nous sommes des hommes et chacun façonne sa propre identité comme on bricole un peu tout, souvent mal. On fabrique sa propre identité avec les autres et avec de l'autre, mais pas n'importe quel autre. C'est là qu'intervient l'amitié. » Oui, c'est ainsi que Candide se construit au fil des jours. Avec le regard des quelques amis qui le lisent. Sans eux, il n'existerait pas.

« On refait son tissu personnel avec la présence de ceux qu'on n'a pas vus depuis longtemps, quand on peut évoquer avec eux toute une série de souvenirs auxquels on ne pense jamais. Le passé revient, et reviens partagé. Si on y pense tout seul, on ne sait même pas s'il est vrai, mais à partir du moment où il est intégré aux autres, il devient une partie de votre histoire. » Oui, c'est aussi ainsi que Candide a entrepris l'an dernier de reconstruire son passé pour mieux vivre son présent. Ses souvenances partagées avec ceux qu'il n'avait pas vus parfois depuis si longtemps, …

« Vous comprenez, au fur et à mesure qu'on avance, on a besoin, pour savoir qui on est, d'avoir un passé plus ou moins coordonné. Cette construction se fait à travers des cadres sociaux, mais aussi par al refonte de son propre passé. C'est comme une dame qui s'avance avec une grande traîne ; quand elle change brusquement de direction, d'un petit coup de pied, elle remet la traîne derrière elle. »

C’était donc ça. Candide réalise soudain la continuité de ses propres démarches. Sa reconstruction du passé, pour pouvoir vivre son présent avec plus d’authenticité. Et c'est Jean Pierre Vernant qui vient de le lui dire. Là. Tout simplement.

dimanche 3 février 2008

La pierre est encore brute


Candide et ses colistiers on refait des photos pour le journal de campagne. Des photos de groupe : les associatifs, les conseillers de quartiers, les entrepreneurs, les politiques, les sportifs, les artistes. Candide pose avec l'un d'eux, mais il pourrait aussi bien être dans chacun d’entre eux, tant il est multiple, éparpillé, touche à tout.
Ensuite, Candide est allé faire nombre, dans une réunion thématique sur leur programme culturel. A La Tannerie, le bar branché du coin, là-bas. Cinquante présents dont 30 comparses… Une dizaine de personnes concernées, combien susceptibles d’être séduites, ou renforcées dans ses convictions ? Martial écoute, convient, prends note. Et répond. Il rebondit, il surenchéri, il programmatise. Sincère. Toutes ces suggestions étant bonnes à prendre.
Au fond de la salle, passif, Candide boit une bière, écoute, observe. C’est rare qu’il soit ainsi dans la discrétion d’une lumière tamisée. Candide n’est généralement là que lorsqu’il est besoin qu’il agisse. Rarement quand il est besoin qu’il fasse juste foule.
Candide a mal au dos. Une semaine qu’il souffre, deux jours qu’il porte un corset pour tenir. Cette campagne, ce n’est pas seulement dans la tête qu’elle se joue, c’est avec le corps tout entier. Et là, peut-être parce que son optimisme fatigue, le reste relâche à son tour. Ou l'inverse.
Candide est rentré à pied avec son voisin sculpteur. Il a fait une pause dans son atelier. Il aimerait rester là. Prendre le marteau et le burin. Prendre l'une de ses belles pierres brutes de marbre ou d’albâtre. La tailler. Prendre le temps pour parvenir doucement au résultat final. Juste le bruit de l’outil, l’odeur de la poussière, la lumière du jour qui passe, et l’idée qui prend forme.

« Mon dieu, que tout le reste me semble soudain si vain » souffre Candide en silence

samedi 2 février 2008

Du porte à porte


Aujourd’hui, Candide fait du porte à porte. En équipe avec la compagne de Martial. Femme d’expérience : c’est ainsi qu’ils ont entrepris la conquête de la commune, il y a 20 ans, électeur par électeur. Premier immeuble : subterfuge pour passer outre le code d’accès, 7ème étage par l’ascenseur, puis redescendre, palier par palier, sonnette par sonnette.
Candide connaît bien ce type de labour. Le porte à porte dans les grand ensembles, ce fut un de ses premiers jobs, il y a 30 ans. Il tentait alors de placer des assurances vies. En vain, mais non sans efforts. Sonnerie, silence, bruits furtifs, œilleton en mouvement, porte qui s’entrebâille précautionneusement…
« Bonjour, vous savez que les 9 et 16 mars prochain nous allons voter pour élire le maire de la commune ? Nous sommes au coté de Martial, notre maire, sur la liste qu’il conduit. Vous connaissez notre maire, Martial ? Beaucoup de choses ont déjà été réalisé dans notre commune et dans votre quartier. Vous l’avez constaté ? La nouvelle placette, juste en bas, vous aimez ? C’est plus agréable à présent, non ? »
Le « truc », c’est de ne poser que des questions susceptibles de recueillir l’assentiment. Ne pas marquer de pause. Ne pas laisser de place à trop de débats.
« Mais il reste encore beaucoup de choses à faire pour améliorer la commune. Avec vous, nous voulons allez plus loin. C’est pourquoi nous vous interrogeons pour élaborer, avec vous, notre projet municipal : que souhaiteriez vous voir réalisé dans votre quartier ? Quelles sont vos propositions ? Avez vous des questions à nous poser ? »
C’est seulement à ce stade que les questions, et plus souvent les critiques, vont s’exprimer. Et la, la première et seule réponse est toujours identique :
« Vous avez raison… ».
Ecouter, convenir, prendre note. Beaucoup ne viennent que d’arriver, pas encore électeurs inscrits. D’autres éconduisent fermement, certains regrettent cette division, ils voteront PES quoiqu’il advienne. Nous n’aurons le temps de faire que 2 immeubles, 12 paliers, 48 portes, la moitié d’absent. Et le reste ? Déjà acquis ou irrémédiablement opposés. Allez, imaginons qu’un seul ait été utilement influencé. Combien en faut-il encore ? Combien d’après-midi ?

« Et il ne reste que 40 jours » s’inquiète soudain Candide, un peu dépité.

vendredi 1 février 2008

Du rouge avec Edgar


Les premiers meetings de Candide, c’étaient ceux de l’Humanité Rouge. Candide était alors « Mao ». Il a mis un terme à cet engagement lorsque celui est devenu un carcan limitant sa liberté de pensée. Mais Candide s’est toujours considéré comme marxiste. Un marxiste qui doute comme se définit André Comte Sponville. Ce qu’il lui plait sans doute le plus dans Marx, c’est qu’il été à la fois économiste, historien, philosophe ; bref qu’il ait cultivé l’interdisciplinarité. C’est dans le même esprit qu’il apprécie des penseurs tel qu’Edgar Morin, si peu étudié en France, si reconnu à l’étranger.

Un jour Candide a pris un verre avec Edgar Morin. C’était au marché des Enfants Rouges. C'est le plus vieux marché de Paris : il tient son nom d'un orphelinat, établit au XVIe siècle, qui recueillait les enfants perdus et les habillait de rouge. Rouge comme la Commune de Paris. Rouge comme le verre de vin trinqué juste comme ça. Avec Edgar, et une amie commune. Un verre d’amicale complicité. Juste le respect de Candide pour Edgar, et le regard d’Edgar, si vif, avec ses 85 ans alors de maturité encore en éveil. Nous parlions d'Internet et aussi de ce que d'autres allaient bientôt retrouver dans son livre alors en cours d’écriture : « Pour une politique de civilisation »...

« Renoncer au meilleur des mondes, n’est pas renoncer à un monde meilleur » a dit depuis longtemps Edgar Morin. Candide est bien d’accord.